Projet de Forêt Jardin : la création d’un nouveau monde
Publié le 17 février, 2022
Quand Céline et Olivier, fondateurs de Cap-Heol (soleil en breton) et maîtres d’œuvre de la forêt jardin, ont guidé le premier achat au nom de l’association, début 2018 , la parcelle de 1,6 ha était une friche anonyme. Lovée au pied d’une falaise calcaire, elle offre une vue à 180° sur les Pyrénées et un Bugarach énigmatique. Ici les plus anciens de Montazels avaient entendu parler d’un potager florissant. Dans ces temps, désormais révolus, il aurait bénéficié de la générosité de plusieurs sources. Alors Céline et Olivier, amoureux des arbres et de la biodiversité, conçoivent un projet original de forêt jardin, baptisée Cap-Heol*, du nom de leur association.
A peine né, la région Occitanie et le département e l’Aude -grâce aux vote des habitant-es dans le cadre des budgets participatifs – viennent déposer une dotation conséquente dans le berceau du chérubin. Les premiers aménagements ont porté sur la création de bassins et la réalisation de plantations. Les enfants de l’école primaire d’Antugnac y ont participé l’an dernier. Des résultats encourageants poussent Céline et Olivier à poursuivre. Nous voilà ainsi arrivés en 2022.
C’est là qu’interviennent les aménageurs en herbe du lycée Saint Joseph Limoux, drivés par leur enseignant Ludovic VALERINO, sur les parcelles acquises en 2019 et 2020 -grâce au financement du 1er Budget participatif du Département de l’Aude, agrandissant la surface de la Forêt jardin à près de 5ha. Ils vont intervenir, en deux vagues les 5 et 7 janvier pour planter 120 arbres et arbustes de toutes sortes. Répartis sur deux haies épousant courbes de niveau et contournant les obstacles naturels, ils ont fait l’objet d’une attention particulière, dictée par un protocole simple et rigoureux.
Le sol avait été préparé dès janvier 2021 et recouvert de foin et de paille pour protéger la terre, matérialiser le parcours. Un plan de plantation très précis a été élaboré. Des piquets de châtaigniers numérotés préfigurent l’emplacement de chaque futur plant. Ceux-là, arrivés juste avant Noël, ont été mis à l’abri et en jauge jusqu’au 5 janvier.
Là, les Terminale STAV organisés en binôme vont procéder méthodiquement. D’abord ils creusent le trou de plantation en enlevant un plein seau de terre. Ensuite ils présentent le plant pour ajuster la profondeur de plantation. Avant de combler le trou avec une terre spécialement préparée par Olivier, Céline vient jouer la fée Mélusine en saupoudrant sur les racines une pincée de mycorhizes. Celles-ci sont destinées à stimuler la symbiose et favoriser la résistance du futur arbre ou arbuste. Après quoi les planteurs versent la nouvelle terre et la tassent légèrement. En dernier lieu nos apprentis aménageurs apporteront du basalte en granules. Ce minéral est disposé en U, avec l’ouverture du U orientée vers le nord pour polariser plus encore l’énergie de reprise.
Il ne reste plus qu’à couvrir avec un peu de terre, et pour finir paille ou foin. De quoi offrir un nid douillet au végétal transplanté. Souvent Céline y ajoutera quelques paroles d’accompagnement personnalisé : elle aime parler aux arbres. Manifestement ils répondent en poussant. Le dernier geste consistera à repérer le plant avec un petit tuteur étiqueté à son nom, puis à replanter le piquet de châtaignier. Ce dernier pourrait supporter éventuellement une dissuasion destinée à éloigner les sangliers, occupants habituels du jardin.
Ainsi donc Louis-Alexandre, Emma, Jean-Baptiste et leurs copains ont procédé de la sorte le 5 janvier pour donner naissance à une première haie. Il y eut un soir et même un jour et deux nuits, avant que Marine, Maxime, Anne Elisabeth et les autres ne répètent les mêmes gestes le 7 pour une deuxième haie. Les doigts gourds et la goutte au nez, il fallait les voir, tels des colombes de paix, porter le rameau d’Olivier dans le jardin de Céline. Touchant !
Il y eut encore un soir, un jour et deux nuits avant qu’au troisième matin une pluie bienfaisante vienne verser une obole céleste à l’ouvrage. Parce qu’ils ne sont pas fruits d’un chêne, Céline et Olivier ont bien vu que cela était bon. Ce n’était pas encore le sixième jour.
Reste maintenant à espérer que des féroces sangliers, abondants dans le secteur, ne viennent pas égorger le fruit de nos campagnes. Il faut au contraire souhaiter qu’à leur tour ils abreuvent nos scions. Ce sera après le sixième jour. Le jour de gloire sera arrivé.
Dans un moment prochain tout ce petit monde pourrait se retrouver à Cap-Heol pour voir si leur travail était vraiment bon. Ce serait alors la concrétisation de la création d’un nouveau monde, arboré et fructifère, au sein de terres nourricières.
Quelques années plus tard, ils viendront peut-être déguster avec leurs enfants le produit de leur labeur en goûtant aussi à la parole divine : « Je vous donne toute plante qui porte sa semence sur toute la surface de la terre, et tout arbre dont le fruit porte sa semence : telle sera votre nourriture » jusqu’à satiété. (phonétiquement, en occitan satiété veut dire s’asseoir. On peut « s’assiéter », s’asseoir donc, pour déguster le fruit de son travail, comme pour digérer paisiblement le plaisir d’en avoir profité. Deux raisons d’être heureux).
Jean-Pierre Cassignol
*Depuis 2018 Cap-Heol développe un projet de forêt jardin associative selon les principes de la permaculture végétale. Déjà 400 arbres et arbustes ont été plantés, ainsi que de nombreuses plantes aromatiques et médicinales. Présentation du projet =>https://www.facebook.com/100703888381716/videos/2670577483213400